“Cette montagne est plantée dans mon cœur,
(Le dernier tableau de Wang Wei / Ariane Buisset)
dit une voix qui sortait de ma bouche”
Je me suis enivré de beauté durant un séjour à Taiwan consacré à photographier la pratique des arts traditionnels chinois. Après quelques jours intensifs à Taipei, je me suis rendu au sud de l’île.
Le trajet comprenait une halte au Sun-moon lake. L’arrivée à la tombée de la nuit donnait un avant-goût de la nature du lieu, avec une sensation d’apaisement et de présence imposante de l’eau. Après une longue méditation face au lac je préparais mon matériel pour être prêt au lever du jour.
Mon impatience m’a attiré sur la terrasse de la chambre avec les premières lueurs bleues à l’horizon.
Je me suis plongé en contemplation devant un tableau vivant qui s’animaitprogressivement.
Les nuages pesants de l’ouest évoluaient délicatement et la clarté de l’est dessinait le contour des montagnes qui se perdaient à la surface de l’eau. Sur le miroir se précisaient quelques reflets animés par les vagues d’une embarcation matinale.
Chaque instant s’accompagnait d’un effet de lumière, à l’image d’un kaléidoscope géant qui tournait au ralenti. j’avais devant moi un sablier de lumière bleue qui égrenait ses brillants dans un ciel infini.
J’étais partagé entre l’envie de retenir l’aube naissante pour mieux l’apprécier, et la curiosité de découvrir la suite de l’histoire dans sa métamorphose.
Les instants de magie qui s’étiraient dans l’attente de la photo, se succédaient, tous différents et aussi émouvants. Je retenais mon souffle, les yeux grands ouverts et le cœur dilaté.
Ce à quoi j’étais convié me laissait sans voix, en gratitude de vivre une telle manifestation du créé, si simple dans son évidence et si grandiose en même temps. Je me sentais relié au cœur de l’univers tout entier qui se déroulait autour de moi.
La photo n’était plus le sujet, je me sentais pétri de bleu.
JF Mermillod.B